À la naissance de sa fille, Patricia Plosky était une jeune femme amoureuse et mal alimentée qui n’attendait qu’une chose : propulser cet être hors d’elle pour prendre les armes. Voir son mari, Larry Plosky, aux quatre coins du globe tandis qu’elle enfantait de la manière la plus repoussante que l’on puisse imaginer ne l’emplissait pas de joie. Voilà comment Plosky est née : dans du sang, quelques larmes, et pas mal d’indifférence.
Elle fut une fillette grand gueule ; on avait rarement vu petite fille avec autant de répondant. Les lianes de l’humour, elle s’en saisit très tôt, pour se propulser un peu plus tard vers celles du sarcasme. Enfant, il était difficile de la faire taire. Les gouvernantes, les nounous, les maîtres et maîtresses avaient du mal à tranquilliser ce flot ininterrompu de questionnements divers une fois qu’elle s’était lancée. Dire qu’elle s’intéressait à tout ne serait pas lui faire justice ; non, c’était plutôt qu’elle ne croyait rien. Sur des questions légèrement glissantes d’ordre religieux ou existentiel, personne n’a jamais réussi à lui faire avaler un avis incomplet.
Elle a toujours été la plus grande de la classe, et si dans l’enfance les autres élèves n’y prenaient pas trop garde, («Ils sont où tes parents ?» et «Pourquoi t’es aussi grande ?» étaient des choses qu’elle a très souvent entendu sans pour autant y déceler une goutte d’animosité) plus les années passaient plus la gente masculine s’inquiétait qu’elle leur vole la vedette. Les plus intrépides lui proposèrent un duel, sans pour autant oser la regarder dans les yeux, mais elle n’a jamais accepté. La bagarre ne lui inspirait aucune belle poésie. En plus de sa taille, elle était particulièrement active et sa carrure déjà non négligeable avant de se mettre au sport en impressionnait plus d’un.
En grandissant, sa langue cessa d’autant la démanger et elle découvrit le bonheur de répondre à ses questions par la lecture. Pendant l’adolescence, elle ne possédait pas encore l’entièreté de son aversion pour la race humaine (non, ceci est quelque chose qui est venu plus tard, après quelques années dans la police) mais montrait quelques virtuoses prédispositions. Grâce au Ciel, les livres ne sont pas aussi barbants que les êtres humains. Ainsi donc, elle calme son flot de parole à l’entrée de l’adolescence. Elle qui, déjà, possédait ce flegme et ce détachement naturel, tel un gros matou sage et paresseux, aiguisa son regard et ses expressions. Elle était désormais connue comme la grande fille calme à la répartie cinglante qui pouvait coucher n’importe qui dans les jeux à boire.
À partir de sa dix-huitième année, elle se lassa de toutes ces après-midis à nager dans les piscines, à courir sur les stades et autres joyeusetés auxquelles elle s’adonnait depuis son enfance et décida d’assouvir une bonne fois pour toute sa soif de compréhension. Avec un groupe d’amis de Cleveland - un groupe de marginaux, des révolutionnaires-nés, des freaks - ils partirent chaque année pour des voyages délicieux aux quatre coins de l’Amérique. C’était le parfum de la nouvelle Beat Generation, c’était les clubs de jazz, c’était l’alcool et la drogue, c’était les travaux dans les plantations quand l’argent venait à manquer. C’était les diners aux néons clignotants sur les bords de routes désertiques, c’était les baisers, les embrassades, l’amour échangé sans distinctions d’âge, de sexe et de couleur. C’était surtout de grands discours sur la liberté et l’anti-capitalisme qui auraient fait dresser chaque poil des braves têtes de Patricia et Larry Plosky, et probablement des parents de tous les autres.
Mais le devoir l’appelle, cette année. Ce vieux ressentiment familial, cette ancienne pulsion de vouloir bien faire la pousse à montrer plus de sérieux dans ses études. À vingt-et-un ans, elle aborde ses cheveux blonds taillés dans un mullet fort peu à propos dans cette école renommée et a laissé la multitude de piercings qui ornaient auparavant ses oreilles et son visage dans une jolie boîte familiale dans son armoire. Pour elle, les vêtements sombres sont de rigueur, et c’est un choix non-délibéré qui la sauve pourtant d’autres rumeurs sur son apparence.
Elle poursuit sa route se languissant des grands espaces, essayant de combler son manque avec de la lecture et un peu trop de boisson pour que ce soit recommandé, et de ce fait commence lentement à se tracer un chemin inexorable qui la mènera dans quelques années à un alcoolisme de bas étage, aussi coupant qu’un glaive, baie empoisonné si appétissante.
「 anecdote 」 J'te jure, littéralement
tout le monde dans ma famille a servi dans l'armée. Si je leur dit que je veux faire autre chose je vais être déshéritée, faut que je trouve un compromis avant de gâcher ma vie.
「 anecdote 」 Ah non mais si tu veux vraiment de la coke dis-le moi, je connais un type qui sniffe comme il respire, il a toujours des bons plans.
「 anecdote 」 Je sais pas qui t'as dit que je chantais de l'opéra mais si je le retrouve je lui fais manger ses couilles.